En Nouvelle-Zélande, les services secrets envoient un commando pour enquêter sur des évènements étranges se déroulant dans un petite ville côtière. Il découvre qu'une colonie d'extra-terrestres mangeurs d'hommes s'y est installée...
Peter Jackson naît en 1961 dans une petite ville de Nouvelle-Zélande. Très tôt, il se met à la caméra super 8 et réalise avec ses amis des petits films de guerre. Il s'intéresse aussi aux trucages, et se passionne notamment pour les créatures animées image par image de Ray Harryhausen (dans Le septième voyage de Sinbad (1958) de Nathan Jura ou Jason est les argonautes (1963) de Don Chaffey...). Plus tard, il se consacre à un film de vampires, inachevé, tourné en super 8 avec un objectif cinémascope. Il trouve un travail pour un journal local, dans le domaine de la photogravure. A 21 ans, il acquiert une caméra 16 mm et commence à tourner un court métrage, les week end, avec l'aide de collègues et d'amis, pour lequel il conçoit les effets spéciaux et interprète deux rôles Finalement le tournage se prolonge sur trois ans. Grâce à l'aide de New Zeland film commission, il peut peaufiner les derniers détails de son film avec des professionnels. Ensuite, après encore une année de post-production, Bad taste est montré au marché du film de Cannes...
Le récit de Bad taste, parodiant allègrement les films de science-fiction américains des années 50 dans le style de Les soucoupes volantes attaquent (1956) de Fred F. Sears, n'est évidemment qu'un prétexte. Des extra-terrestres attaquent un petit village néo-zélandais et en tue tous les habitants afin de vendre leur viande dans des fast food intergalactiques. Cet argument rappelle un des sketchs les plus fameux de la série TV La quatrième dimension, dans lequel des extra-terrestres, apparemment bien intentionnés, enlevait des humains afin de les cuisiner selon des recettes contenues dans un ouvrage portant un titre à double-sens : Comment servir l'homme ! Dans Bad taste, le gouvernement néo-zélandais envoie un commando pour sauver le monde : il s'agit en fait de quatre psychopathes assez inexpérimentés et ballots, qui vont affronter une armée d'ouvriers extra-terrestres de troisième classe passablement abrutis (il existe apparemment des cloisonnements sociaux très stricts chez les martiens entre les cols bleus et les cols blancs !). Bad taste est donc avant tout une comédie, parodiant le cinéma d'épouvante et le film de guerre, notamment, à travers le personnage irresponsable d'Ozzy, la vague des Chuck Norris (Portés disparus (1984)...) et des Stallone (Rambo II (1985) de George P. Cosmatos...) qui sévissaient alors sur les écrans occidentaux. L'humour est donc grinçant, et les institutions les plus respectables sont joyeusement brocardés : armée, reine d'Angleterre, animaux (la mythique explosion d'un mouton)... Tout le monde en prend pour son grade dans les délires sanglants de Jackson, qui avouait déjà l'influence des Monty Python sur son oeuvre. Dans Bad taste, les personnages se découpent à la tronçonneuse, un personnage vomit des litres de liquide vert dont se régalent ses compagnons, les boîtes crâniennes explosent, les rafales de mitrailleuses arrachent des bras... Face à cette accumulation de gags gore, il est en effet difficile de ne pas penser à certains des sketchs les plus provocateurs de ces comiques anglais, notamment l'explosion du trop gourmand Mr. Crosoete dans Monty Python : le sens de la vie (1983) de Terry Gilliam et Terry Jones.
Vu les conditions "non-professionnelles" du tournage de Bad taste, premier long métrage de son réalisateur, on ne s'étonne pas de constater certains raccords assez heurtés et des approximations techniques évidentes dans le découpage. En cela, il est un peu en retrait comparé à la finition d'un Evil dead. Pourtant, Peter Jackson y fait aussi preuve d'un très grand talent de bricoleur, en se confectionnant une steadicam à l'aide de matériel de récupération, ou encore en confectionnant une grue de fortune. Son travail sur les effets spéciaux sont extrêmement soignés et spectaculaires, particulièrement les multiples effets gore, avec prothèses et jets de sang, les déguisement des extra-terrestres, ou l'envol du "vaisseau spatial". Le tout est dynamisé par un montage extrêmement serré (la caméra portable Bollex utilisée ne pouvait pas, de toute façon, filmer plus de 30 secondes à la suite) et un enchaînement de gags et de péripéties énergiques ininterrompu et toujours inventif.
Surtout, ce qui séduit le plus dans Bad taste, c'est la liberté de son ton et de sa réalisation. Son titre ("mauvais goût") est à lui seul tout un programme, que Jackson va s'appliquer à suivre durant quatre-vingt dix minutes. Sans scénario pré-écrit, le film se construit au cours de trois ans d'inventions, d'improvisations et de trouvailles. Et, si les conditions financières ne sont pas évidente, aucune pression artistique ou morale d'aucune sorte ne pèse sur Jackson et sa bande. Toutes les folies sont permises, toutes les grossièretés, les impertinences et les provocations sont admises, tant qu'elles sont drôles. Il émane de Bad taste une impression de liberté, la légèreté d'un film fait entre amis pendant des vacances, le tout étant transcendé par la débrouillardise et la maîtrise technique de Peter Jackson. Bad taste est un film drôle, qui reste, quinze ans après sa sortie, irrémédiablement sympathique.
Bad Taste est d'abord montré au marché du film de Cannes, puis au festival du film fantastique de Paris, où il fait un tabac. Il est finalement distribué en salles : quelques copies sont lâchées sur Paris, promues par une affiche complètement hors-sujet. Au bout de 15 jours, la carrière parisienne de Bad taste est terminée. Pourtant, Bad taste fait le tour du monde, et sa sortie en vidéo dans notre pays (avec, enfin, la vraie affiche : celle avec l'alien faisant un doigt d'honneur) achève d'asseoir la popularité de Peter Jackson en France. Il envisage ensuite un Bad taste 2, puis hésite entre un film de zombies et une oeuvre mêlant aventures et heroic fantasy. Mais il ne parvient pas à obtenir des budgets suffisants, et il se replie sur Les Feebles (1989), un film de marionnettes trash parodiant le show TV américain du Muppet show : Un peu moins réussi que Bad taste, il sort néanmoins en salle en France, mais c'est à nouveau un bide. Enfin, il parvient à rassembler un budget suffisant pour monter son fameux film de zombies : Braindead (1992).